Au bord d’un chemin, vivaient deux arbres.
L’un, fier et élancé, dressait son tronc bien droit vers le ciel.
L’autre, noueux et courbé, portait des branches comme des bras fatigués.
Chaque matin, l’arbre droit lançait des piques à son voisin :
— Regarde-toi, difforme, ridicule ! Qui pourrait admirer ta silhouette ?
Habitué aux sarcasmes, L’arbre tordu ne répondait pas. Il savait que chacun a son rôle : lui abritait les insectes dans ses creux, offrait des formes étranges aux rayons du soleil, et prêtait son ombre aux voyageurs fatigués.
Un jour, passa un bûcheron.
Il observa longtemps la clairière.
Son regard s’arrêta sur l’arbre droit.
— Voilà un bois parfait, pensa-t-il. Bien rectiligne, idéal pour une planche.
L’arbre droit, fier de sa beauté, n’eut pas le temps de protester.
La hache résonna, et le fier arbre s’écroula.
Il sentit la terre s’éloigner, l’air de la forêt se perdre. On l’emporta, loin des oiseaux qui nichaient autour de lui, loin de la mousse qui couvrait ses racines, loin du vent qui caressait ses feuilles.
Transformé en planche, il devint simple objet, prisonnier d’une maison, cloué à jamais dans un silence froid.
L’arbre tordu, lui, resta dans la clairière. Il pliait sous les saisons, mais restait debout, entouré d’herbes folles. Ses branches irrégulières abritaient encore les oiseaux, et ses courbes, que nul menuisier ne désirait, lui garantissaient la liberté.
Alors, on se souvint de ce proverbe :
« L’arbre tordu vit sa vie, l’arbre droit finit en planche. »







